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Une poutine qui s'appelle Reviens

Photo du rédacteur: Marie-Josée RiendeauMarie-Josée Riendeau

Dernière mise à jour : 25 févr. 2024




Dix ans s’était écoulés depuis la première fois où nous nous étions aimées et il aura fallu un évènement que nous n'avions pas planifié pour nous revoir. Ton corps avait changé, de minuscules rides apparaissaient désormais aux coins de tes yeux bleus gris. Ton parfum avait changé et l’odeur de ta peau m’était devenue étrangère et pourtant, dans la pénombre du petit matin d’un certain mois d’octobre, nous nous sommes reconnues. Tels deux morceaux d’une assiette brisée qui s'emboîtent parfaitement, nous nous sommes retrouvées et, de nouveau, nous nous sommes aimées.



Vendredi 14 janvier 20:00. Le moteur se met en marche, l’avion recule et s'engage sur la piste, et puis, 20:30 il est dans le ciel, emmenant avec lui l’Autre, mon autre.


Nous nous sommes vues jeudi soir, nous avons mangé ensemble. Pour une dernière fois, je lui ai préparé un plat qu’elle aime, un plat qu’elle n’aura pas l’occasion de manger avant longtemps.


Combien de temps? Je l’ignore, peut être quelques mois, quelques années ou peut-être même, plus jamais.


La soirée s’est bien déroulée, on a ri, on a fait ça léger. Nous avions aussi invité une de ses amies c’était donc facile de parler de tout et de rien, de faire comme si. Facile de ne pas penser au lendemain, facile presque, de croire qu'elle vivait encore avec moi et d’oublier les derniers mois. Mais tôt ou tard, c’est l'heure, l’heure de partir et soudain, la réalité nous rentre dedans et il faut maintenant se dire au revoir.


Nous sommes descendues ensemble, elles m'ont aidé à descendre les cartons. Et là, debout à côté des sacs de recyclage dans nos manteaux d’hiver, on s’est enlacées. Sans rien dire, nos joues collées l’une contre l’autre, nous sommes restées là comme ça, pendant un moment. C’était comme une pause dans le temps, j’avais l’impression que plus rien ne bougeait, il n’y avait plus que nous deux dans tout l’univers. Là, comme ça, sur un coin de rue dans Hochelaga, on se disait; À plus! Au revoir... Adieu, peut-être.


Sans rien dire, sans pleurer. J’ai posé mes lèvres sur sa joue et, sans même lui jeter un dernier regard, j’ai tourné les talons, tourné le coin de la rue, poussé la porte et, dans la cage d’escalier, j’ai étouffé un cri de douleur. J’ai rapidement monté l’escalier. J'ai refermé la porte derrière moi et, le dos contre le mur, je me suis laissée glisser dans mon chagrin et dans ma souffrance. La tête entre les mains, j’ai pleuré. Pleuré la déchirure que je ressentais dans la poitrine, pleuré toute ma tristesse.


Je ne sais combien de temps il m’aura fallu pour me calmer, quelques minutes qui m’ont parues des heures sans doute.


On s’est échangé quelques messages textes et puis je suis allée me coucher en espérant, sans trop y croire, que la poutine que je lui avais préparée, un jour, lui donnerait envie de revenir au pays, de revenir et de recoller l'assiette.




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