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Photo du rédacteurMarie-Josée Riendeau

Chez nous

Dernière mise à jour : 25 févr.




Nous venions de faire l’amour pour la énième fois ce jour-là. Nos cœurs battant à tout rompre et nos souffles haletants, nous descendions doucement de notre septième ciel au son de la voix grave et enveloppante de Tracy Chapman qui chantait “The promise”.


Nous commencions tout juste à nous aimer.


Nous étions étendues sur le dos, nos corps épuisés se reposaient alors que j’arborais un sourire béat. J’ai posé mes yeux sur toi et j’ai vu des larmes couler silencieusement de chaque côté de ton visage. Je t’ai prise dans mes bras et j’ai bercé ce chagrin qui m’était inconnu et que je ne comprenais pas. Je ne cherchais pas à le taire ni à le calmer, je t’invitais même à le purger entièrement au creux de mes bras, ta tête contre mes seins, tes lèvres contre mon cœur. Je n’ai pas cherché, non plus, à en connaître la cause, je t’ai laissé libre de te livrer ou de te taire.


Et tu n'as rien dit, tu as simplement pleurer et là, moi aussi, j’ai pleuré. Je croyais me reconnaître dans ces larmes, dans cette souffrance contenue et secrète. Et puis, au bout d’un long moment, j’ai compris…


Tu la pleurais Elle, celle qui t'avait quittée, celle avant moi. Et moi, moi, je pleurais sans doute, sans le savoir, le mal que tu allais me faire.


Mais il était déjà trop tard, je t’aimais déjà, je t’aimais déjà tant, je t’aimais déjà trop.




Je n’ai pas de chez moi ou, du moins, je ne dis jamais chez moi lorsque je parle du lieu où j’habite. Je dis, « la maison », «l’appartement » ou encore, « chez nous ».


Chez nous! Comme si je ne vivais pas seule, comme si il y avait une Autre qui dormait là, qui mangeait là, comme s’il y avait une Autre qui partageait ma vie. Pourtant, il n'en est rien! et ce, depuis plus d’un an maintenant.


En fait, voyez-vous, c’est que mon Autre n’est jamais réellement partie… Oui, je sais bien qu’elle vit ailleurs maintenant et qu’elle partage la vie d’une Autre. Oui, je me souviens très bien qu’elle m’a quittée. Mais malgré cela, elle est là, dans chaque recoins de l’appart, dans tous les petits détails de notre nid, de la musique que j’écoute jusqu’aux regards de nos minous.


Le matin j’ouvre les yeux sur ce bleu foncé tirant sur le vert que je n'étais pas certaine de vouloir dans notre chambre de peur que cela rende la pièce trop sombre. Et je m’éveille maintenant baignée de cette couleur sur laquelle elle avait tant insisté que j’avais fini par céder. Elle m'avait promis que ce serait magnifique et, ma foi, elle avait entièrement raison.


Je sors de la couette, que nous avons choisie ensemble, une couette couleur sable dans une matière un peu fripée qui donne juste envie de se vautrer dedans. Je prends mon cellulaire sur la table de chevet en métal noir. J’enfile mes Birkenstock qu’elle me conseillait d’acheter malgré leur prix exorbitant et je vais au petit coin pour la pesée quotidienne. Je retourne dans la chambre et je prends mes vêtements de sport dans la commode que nous avons retapée ensemble, sablant les tiroirs et le dessus en bois et pegnant la base en noir. Une belle idée qu’elle avait eu pour aller avec les tables de nuit et le lit.


Quelques minutes plus tard, je suis sur mon tapis de yoga, à l’endroit où il y avait son atelier et je fais mes exercices en regardant son chevalet abandonné dans le coin de la pièce.


Une fois ma routine matinale terminée, je fais ma toilette et je me prépare à partir. Je mets des vêtements chauds pour affronter le froid. J’enfile le sous-pantalon, ou les bottes Asolo, ou le bonnet gris, ou une écharpe ou encore les mocassins qu’elle m’a donnés avant de partir et je caresse rapidement nos deux chats.


Quand je cuisine aussi elle est là; Je coupe les légumes sur ce plan de travail imaginé par elle et réalisé par nous, et, à chaque fois, je m’émerveille de son ingéniosité et de son don pour l’organisation. La cuisine est petite mais oh combien fonctionnelle. Tout y est, tout a sa place. Je m’assoie ensuite à table, cette table qu’elle trouve jolie mais tellement « pas pratique ». Je regarde autour et, encore, je suis entouré de sa déco, de notre déco.


Au salon c’est la même chose, les bibliothèques qui ornent le meuble télé qu’elle adore sont jonchées d’objets aussi jolis qu’ils sont hétéroclites: Ici, quelques souvenirs de Poudlard, là des représentations d’artistes qu’elle affectionne et, placée de façon stratégiquement esthétique, sa collection d’appareils photo.


Alors dans les faits, je ne vis pas seule, je vis avec son fantôme ou plutôt, avec le fantôme de ce nous avons été.


Il paraît qu’il faut un an pour faire son deuil.


Un an à célébrer des anniversaires sans son Autre, un an à vivre les moments marquants de notre existence sans pouvoir les partager avec cet être qui nous a laissé. Un an finalement à faire face à la réalité d’une solitude non souhaitée.


Douze long mois à franchir une à une les étapes du deuil pour enfin espérer aboutir à l’acceptation et puis, finalement, à la reconstruction.


Aujourd’hui, 14 janvier, cela fait un an qu’elle est partie en avion rejoindre sa nouvelle et ancienne Autre…


Et mon deuil n’est pas encore fait…


Elle me manque même si elle est toujours là, même si elle est partout dans la maison… Et même si l’on est encore en contact.


« Tu devrais changer la déco » me proposerez-vous. Et là, je pourrais vous répondre par mille et une excuses vous expliquant pourquoi je ne le peux pas ou pourquoi cela me semble infaisable mais… Mais la vérité vraie, c’est que je ne le veux tout simplement pas. Je ne veux pas faire le deuil de ce nous qui était pour moi si magnifique.


Non, je ne veux pas accepter que cela n’existera plus. Je m’y oppose. Pas aujourd’hui, pas maintenant et peut-être, finalement, pas dans cette vie.


J’ai dénié, j’ai marchandé, j’ai pleuré, j’ai ragé… Mais je n’ai pas accepté.


N’allez pas croire cependant que je ne vis pas! C’est tout le contraire même. Je renoue avec celle que je suis profondément et je me fixe de nouveaux défis. Je me propose de nouvelles aventures et de nouveaux projets de vie. Étrangement, malgré que j’aie choisi de sauter l’étape de « l’acceptation », j’ai embrassé celle de la reconstruction et je me transforme un peu plus chaque jour.


Je vais bien. Je prends soin de moi et de ceux que j’aime.


“Et l’amour dans tout ça?” me demanderez-vous?


De l’amour, j’en ai. J’ai ma famille, de très bonnes amies, des collègues fantastiques et, surtout, j’ai mes enfants qui sont si merveilleux. Je suis entourée de gens que j’aime et qui m’aiment. Avoir une nouvelle compagne? Mais pourquoi donc? Pour me sentir désirée, chérie? Pour vivre en couple? Non merci.


Vendredi dernier, à la dernière minute, mon amie J m’a invitée au chalet et j’ai dit oui, comme ça! Je n’ai pas eu à vérifier ou à informer qui que ce soit de mon absence, je suis partie et c’est tout. C’est l’un des aspects très agréable d’être seule, cette totale liberté de mouvement, de décision et de choix. Et je ne sacrifierais pas ça aisément.


Si mon Autre manque affreusement à ma vie, ce n’est pas parce que j’ai besoin de la partager. C’est parce que c’est elle Mon Autre et elle ne pourra jamais être remplacée. Jamais je ne serai animée d’un sentiment aussi fort, aussi profond ni aussi pur que celui que j’ai pour elle et je n’ai pas envie de me satisfaire de moins.


C’est ce que je crois.


Pour le moment.


Aujourd’hui.


Je sais bien que la vie peut nous réserver quelques surprises et je sais aussi qu’il n’y a que les fous qui ne changent pas d’idée. Alors je garde un oeil à demi ouvert… On ne sait jamais.


Nous sommes dimanche, je viens de rentrer chez nous et il est un peu tard. Comme je n’ai pas envie de sortir pour aller à l’épicerie, ce sera donc un soir de “qu’est-ce que j’ai dans le frigo”.


J’ai des tranches de jambon, des œufs, des tortillas de chou-fleur, différentes sortes de fromage, du calabrese fort, un poivron, des champignons, de la laitue, du concombre, du daikon, un céleri (ramené du chalet), de la coriandre plus très fraîche, du citron, du basilic, des oignons, de l’ail, un restant de crème sûre, de la salsa, des marinades et des condiments. Au congélo, dans la gamme "qu'est-ce qui se dégèle vite? Des crevettes et des darnes de thon. Dans le garde-manger, du riz, des pâtes, quelques conserves dont, des légumineuses et du thon.


Bon… Réfléchissons.





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