“ Jour 177
Au petit matin, toute endormie, tu t'étires et t'allonge au sol et, telle une étoile de mer, tu pousses tes membres loin, très loin, presque hors de toi. Cherchant à repousser les murs qui t’entourent tout comme s’ils étaient des obstacles à ta vie, tu pousses toujours plus fort, faisant travailler tes muscles à leur pleine capacité. Et, une fois que ton corps est délié par l’effort, tu te hisses, tu t’élève et, de tes dix doigts, tente de frôler les nuages, d’atteindre les cieux afin qu’une part de pureté te touche et t'imprègne.
C’est dans ces gestes routiniers mais toujours précis que tu t’éveilles et que tu apprends à ouvrir tes yeux sur ta vie, à ouvrir ton cœur sur ton existence.
Avance aujourd’hui telle la lumière qui émane de toi, vas-y, fonce. Sois brillante et lumineuse tout comme l’amour que tu portes en toi. Je t’aime.
Mijo”
Il y a deux ans, pandémie oblige bien sûr mais aussi, pour d’autres raisons, j’ai dû laisser aller mon bébé, mon rêve, mon resto. En effet, après 5 années de travail acharné et inhumain, j’étais épuisée et si mon corps était brisé, mon esprit l’était tout autant.
Pendant cette période, j’ai porté à bout de bras une entreprise à laquelle je tenais tant que j’y ai tout donné. Je ne regrette rien remarquez bien, cela restera l’une des plus belles et des plus enrichissantes expériences de ma vie, mais j’ai bien failli y laisser ma peau. J’aimerais pouvoir vous dire que j’ai courageusement pris la décision de mettre fin à cette aventure mais il n’en est rien, c’était par pur besoin, par pure nécessité et, tout simplement, parce que je n'avais plus d'autres choix.
Après quelques semaines de repos, dont les deux premières à dormir presque sans arrêt, mon corps avait repris du poil de la bête et j’ai ainsi pu reprendre le vélo et un rythme de vie plus sain. Mais avant d’être vraiment bien, il y avait beaucoup à faire. Au fil du temps, j'avais pris 35 livres (un peu moins de 16 kg), je me sentais mal dans mon corps et j’avais perdu tout estime de moi. Mon ex (oui je dis mon ex maintenant) voulait, elle aussi, se reprendre en main et c’est donc, ensemble, que nous avons décidé de nous mettre au régime. Bien sûr, nous le savons tous, non seulement les régimes ne fonctionnent-ils pas mais, dans notre cas, c’était carrément impossible à suivre; Notre amour de la bouffe et des réceptions étant beaucoup trop grand, il nous fallait trouver autre chose.
C’est ainsi que, l’an dernier, un peu avant le mois de février, A me dit,
Et si on faisait le mois sans alcool cette année?
Pourquoi pas! Lui répondis-je.
Mais comme A ne fait jamais les choses à moitié, non seulement nous allions nous abstenir de boire mais nous allions, aussi, faire de l’exercice et changer nos habitudes alimentaires. Elle nous avait préparé tout un programme auquel j’étais prête à me soumettre et nous l'avons suivi, pendant tout le mois de février.
En mars, nous avions continué ces changements (mis à part l’alcool qui avait repris sa place habituelle). Mais en avril, c’était plus difficile car c’était son anniversaire. Et la fête de A c’est comme le temps des Fêtes, les festivités durent toujours un peu plus d’une semaine. Ensuite, le beau temps est arrivé, et avec lui, notre petite terrasse et l’appel de l’apéro. Adieu donc, les belles intentions et les beaux efforts. Sauf pour les exercices matinaux que, même si A ne se levait plus avec moi pour les faire, je continuais malgré tout. Résultat? Un an après la fermeture du resto, j'avais perdu environ 20 livres (9 kg) et je commençais à me sentir mieux.
Mais, en mai, le 6, accident de vélo, fracture du bassin, arrêt complet.
Je ne vous ferai pas le décompte des mois qui ont suivis. Je vous dirai simplement que, pendant que ma fracture se réparait, mon couple, lui, se fracturait. Pendant 6 mois, j’ai regardé l’amour de ma vie s’en aller… et tout le poids perdu, revenir.
Le 16 octobre dernier, A est donc partie et je me suis retrouvée seule, seule pour la première fois de ma vie, ou presque. J'avais le cœur en mille miettes. Je ne regrette rien remarquez bien. Cette relation que j’ai vécu à fond, cet amour qui ne m’a jamais quitté est l’une des plus belles choses que la vie m’a permis de vivre, même si j’ai bien failli y laisser ma peau. Je ne savais plus comment vivre, comment continuer.
Si je vous raconte tout ça aujourd’hui, c’est pour que vous compreniez à quel point la décision de me reprendre en main, de prendre soin de mon corps, de mon cœur et de mon esprit a été capitale pour moi à ce moment-là. J’aimerais vous dire que j’ai courageusement pris la décision de changer ma vie mais en fait, non, c’était simplement la seule chose que je pouvais faire pour garder la tête en dehors de l’eau, pour ne pas sombrer.
Cela fait maintenant 26 semaines que je pratique le “Miracle Morning”, et je dois dire, que ça fonctionne plutôt bien, lentement, mais bien. Tous les matins (ou presque), je me lève, je médite, je lis, j’écris, je fais des exercices, je visualise mes objectifs et je les exprime. Mon premier objectif, celui qui me permettra sans aucun doute d’atteindre tous les autres ; m’aimer… Mais, s’aimer davantage, c’est bien beau et c’est facile à dire mais comment fait-on, concrètement?
Il y a quelques semaines mon ami JA m’a prêté un livre* qui, selon elle, allait dans le sens des efforts que je mets à changer ma vie. Elle avait raison car j’y ai trouvé deux pistes de réponse à ma question.
La première? Dans ma routine matinale, au lieu d’écrire vaguement un journal, j’écris des lettres. Parfois ce sont des lettres d’encouragement, parfois des lettres de soutien et parfois même des lettres d’amour, mais ce sont toujours des lettres adressées à moi. À travers mes mots, grâce à eux aussi, je me donne un peu d’amour, tous les matins.
La deuxième, je l’ai appelée La belle du métro, et voici en quoi cela consiste. Je laisse mon vélo à la maison et, au lieu de revêtir mes vêtements sports, je choisis de belles choses que j’agence avec soin. Je place mes cheveux, je mets un pendentif, je me parfume et je prends le métro. Je marche la tête haute et d’un pas assuré. Je m’imagine grande comme Ève Landry, élégante comme Pascale Bussière et belle comme Karine Vanasse. Je marche à travers les autres usagers comme si le monde m’appartenait et comme si, eux aussi, le savaient. J’imagine que les gens se retournent sur mon passage et qu’ils me trouvent magnifique, rien de moins. Et ça me fait un bien fou.
Si ce n’est que dans mon imagination débordante que je suis aimée et admirée, c’est bien dans toute sa réalité que moi, je me trouve plus belle et que je m’aime un peu plus chaque jour. Je sais maintenant que lorsque je m’aimerai profondément, ce ne sera plus parce que je serai acculée au pied du mur que je prendrai les décisions qui s’imposent, mais bien parce qu’elles s’imposeront d’elles-même, comme une évidence.
Aujourd’hui, parce que j’ai la nostalgie du Ad Hoc, mon resto, je me permets un plaisir coupable, le fish’n chips.
* Ta deuxième vie commence quand tu comprends que tu n’en as qu’une, Raphaëlle Giordano, Edito 2015
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